nous ne montons pas
ce ne sont pas les petits oiseaux qui font le texte
ce sont les organes profonds
les orages profonds
Sable, cendres, infiltrations
Jours encore après
une femme pendue à un fil à linge bleu
une poignée de sable dans la main, aucun poids à cela qui, trou dans la paume, fatigue ou inattention ou reprendre souffle, coule, tombe, s’en va
que demeure-t-il de ces jours encore après ?
une longue nuit ?
un non destiné à soi ?
le poids de cendre du cri ?
une amnésie comme un bâillon sur la douleur ?
un emmêlement de pas tel un labyrinthe ?
revenir aux jours encore après, rebrousser chemin, fixer les yeux, obstruer la fuite et voir quoi demeure encore
du petit tas de sable, en faire de petits sacs de mots qui feront barrage à l’oubli autant qu’à l’ignorance qui serait la victoire de l’oubli
ce n’est pas que le pourquoi au fil à linge bleu manque et défaille, ce n’est pas au non à la vie que nous retournons, mais au oui des jours encore après
quelque chose ici
à puiser ici
pour voir ce qui y niche
d’elle
de nous
quelles cendres
quelles infiltrations
quelles articulations y demeurent
encore
cela qui vient et se pose quelques temps ensuite le fil à linge bleu
encore
nous nous approchons de ce mot qui bat doucement, veille déjà sur nous, nous attend sur une chaise de la cuisine, sous la glycine, dans le pichet d’eau
attend que nous le rejoignons puisque cela n’est pas encore advenu
c’est que le cœur et le corps sont plus lents que le mot
c’est que les pas sont moins lestes que la langue de la vie
et le mot nouveau est bel et bien là, à désigner du doigt le fauteuil où aller lire, le sécateurs pour s’occuper des branches trop promptes à nous envahir, le jardin où les pierres sont montée après les pluies
encore
six lettres qui suffisent à guérir et à rétablir tout l’alphabet
cendres
tête dans l’urne funéraire ou parmi les cimes des arbres anciens
visage sous le ravinement des pleurs ou sur la soie des heures
le poids des cendres en main est indélébile
rien ne peut le modifier ni plus ni moins, ne peut amenuiser la stridence de fumée qui l’accompagne
les mains, bien qu’ayant par plusieurs fois pratiqué leur mue, conservent toujours autant le bruit du corps sans mots
c’est doucement moins un supplice
que le vase exact où est déposé le souvenir distinct
nous y revenons souvent comme en un lieu sûr, une boussole, une assise à partir d’où partir explorer les chemins aux alentour, les heures toujours différentes et pareilles
infiltration
puisque désormais une chose s’est infiltrée, et qui nous est un fond sec et stable
nous en cauchemardions une invasion, une pullulation de boue, alors que cela est son de basse, pierre d’angle, feuille blanche où tracer les lignes qui plongent sous le silence
cela n’empêche que nous voyons la vie éparpillée derrière nous, c’est un plein de morceaux qui ne s’en vont, ne nous délestent, pèsent
et nous nous voyons devant ce qui est derrière
les bras ballants, le souffle coupé, le moteur arrêté
tout cela là devant les yeux, tout le passé mortel et qui est mort, toutes les hécatombes que cela fait, toutes les tombes, sol gras, semelles pesantes
et notre visage nous le voyons
une pierre blanche qui s’effrite et se creuse, nous discernons presque l’os dessous, pas loin, qui guette son temps
visage, le sien
toujours plus crispé, toujours plus fermé, claquemurant toujours plus le mystère de sa fin
nos questions y buttent comme sur un mur
nul écho de réponse
nous acceptons désormais l’inexactitude, l’incapacité, les suppositions, la terre profonde où aller creuser et qui ne met à jour que la nuit de cette nuit-là fil à linge bleu
nous convenons maintenant de n’avoir que peu de mots en échange d’un peu plus d’air, d’une terre qui ne montre pas la corde
dans Puisement, le livre écrit et imprimé pour durer et être dépassé
nous en étions là
pour certaines fleurs, à certaines époques, leurs couleurs leur pèsent tant qu’elles s’inclinent tant que se brise net leur tige
mots doux
cette raison-là donc, nette et douce
ne plus rechercher de cause précise laisse davantage de champ à la conscience de la tombe et à la présence de la mort
mort qui mène maintenant sa vie de non retour, de trou creusé au milieu du jardin des hier et qui jamais ne se referme, dur comme l’os vide
c’est très long, très lent à réaliser
très long, lent de pouvoir fixer en face
infiltration
une voix mince
vient, défait le nœud, passe au-dessus de la catastrophe
dit
lorsque nous descendons dans le vide ce n’est pas forcément fatalement couler, c’est aussi s’avancer afin d’aller respirer sous soi et sous les choses, là où l’air est plus plantureux et se carre en nous à nous y donner des forces
vient la voix qui également dit
la fin de la journée n’est pas fin définitive du jour juste sa trêve, il sera à nouveau là demain
continue de vibrer la voix que nous avons dans l’oreille, dans l’entendement, dans l’œil où elle offre doucement un oreiller au soleil qui, apaisé, va se coucher