portraits

Photopoèmes

Je propose une forme d’écriture alliant créativité, émotion et convivialité avec le public : des portraits écrits. Après un bref entretien, allez faire un petit tour d’une trentaine de minutes puis prenez livraison du texte écrit et lu à voix haute rien que pour vous.

Conçu avec humour et douce sensibilité comme un « libre service » ou « livre service », l’auteur propose des portraits individuels, en duo ou en famille ou en groupe.

Evidemment toutes les personnes sont les bienvenues de 7 à 77 ans et même avant et même après, bien sûr, ah ça c’est sûr et certain.

Ce qui se passe simultanément c’est que l’auteur expose les portraits avec l’assentiment des personnes puis en fait une lecture publique seul ou en duo avec un musicien.

Cela a déjà eu lieu à Toulouse, à Beauquesnes (lecture avec Titi Robin), Mornac, Elne, Marseille (plages) (lecture avec des habitants), Villeneuve les Avignon, Nantes (lecture avec Titi Robin), Agde, Rouen (lecture avec Nicolas Lelièvre), Uzès…

Quelques portraits d’Uzès :

Nicole

Tous les jours, ou presque, il est question de se demander quelle est la tâche urgente à faire aujourd’hui, sacrés humains que nous sommes qui bien souvent cherchons midi alors qu’il est quatorze heures, Nicole, elle, ne cherche pas bien longtemps, c’est qu’il y a cette belle science en elle qui est de savoir ce que c’est que la parole, oui, oui, la parole, pas n’importe laquelle, celle qui est brodée de quelques jolis fils de discrétion, de beaux fils de pondération et de fins fils de sobriété, celle qui circule, va, arrive, convoque, ricoche, s’émet prenant soin et de soi et des autres, c’est que la parole, ce n’est pas du n’importe quoi, cela demande d’abord délicatesse et finesse d’oreille, c’est vrai ça, parler c’est tout d’abord entendre, écouter ne suffit pas, non, non, il faut entendre, s’entendre, il y a de l’harmonie à trouver, il est bien d’accorder ses violons afin de jouer au mieux la même partition, ainsi parle-t-on avec les mots en commun, avec les pensées de chacun, au cœur de chacun, ainsi Nicole parle-t-elle, a-t-elle parole, pour le bonheur qui est dehors, comme tout un chacun le sait le bonheur est dans le pré et dans les rues et dans le soleil qui est là, tandis que la joie est à l’intérieur, dans de petites poches de soi où il s’agit d’aller la chercher et de la sortir comme petit mouchoir brodé de ses initiales ou comme petits cailloux Petit Poucet que l’on met sur son chemin autant que sur celui des autres afin que personne ne se perdre.

Johanna

Elle est là, Johanna, toute silencieuse derrière son bureau, une main aux ongles peints de noir posée sur sa joue tandis que l’autre main navigue dans le travail à bord de la souris grise, elle est là, Johanna, toute posée et toute discrète dans sa petite voix à parler aux personnes qui passent devant son bureau, bonjour madame, voilà, au-revoir madame, c’est que c’est par elle que passent des livres de la médiathèque, c’est qu’ici on prête les livres et on les reçoit, c’est que les livres vont se promener puis reviennent en passant entre les mains de Johanna, même qu’ils aiment beaucoup ça les livres, vont prendre l’air, voient du pays, sont ouverts et lus, même des fois dévorés tout cru, puis rentrent à la maison, soufflent chouia sur leurs étagères et zou ! repartent vers de nouvelles aventures cependant que Johanna est là sans qui cela ne pourrait se faire, elle est l’aiguilleuse des livres, l’éclusière si on préfère, c’est que c’est son métier, le livre, à Johanna, ou du moins c’est le métier qu’elle prépare ici comme stagiaire, à Aix comme étudiante, et la voici maintenant partie dans les rayonnages, les siens, ceux des documentaires, histoire, philo, psycho et cetera et cetera.

Philippe

Il arrive que parfois longtemps on cherche à donner un nom au bonheur, il arrive aussi que parfois un jour on se demande quel est le nom du malheur de ce qui nous arrive, sont des jours comme ça, aujourd’hui Philippe est là et le bonheur il sait le nommer en quelques mots : voitures anciennes, surtout les voitures sportives, motos anciennes, plutôt les BMW, livres de cuisine pour tourner la cuillère ensemble avec les copains et les copines du mas, et puis aussi badminton, même qu’il porte une médaille autour du cou récompense de quelques matches, furent aussi des jours dans sa vie durant lesquels il faisait du jardinage, était pépiniériste, a cueilli les pêches, les olives, les asperges, les cerises, un jour est arrivé un plutôt mauvais jour où il a arrêté le travail, ne se sentait pas bien, ne voyait plus trop bien quel chemin suivre, ne pouvait continuer ainsi, mais maintenant au jour d’aujourd’hui il est rétabli, se sent bien dans sa peau, va bientôt aller à Saint-Hyppolite et va faire des formations, va faire aussi du jardinage, de la cuisine, de la piscine, la piscine c’est bien, immédiatement mieux, le corps est tout allégé de son poids jusque dans la tête.

Sylvie

Sylvie est là, peau toute fine, présence toute délicate, gestes tout minces bousculant le moins possible la lumière de ce matin, voix mise dans un filet d’air qui va doucement en avant d’elle, Sylvie n’a qu’un prénom même que c’est sans doute sa mère qui l’a choisi, Paulette, elle se petit-nomme la maman, Sylvie c’est madame bijou, ainsi va-t-on l’appeler désormais, Sylvie Madame Bijoux, c’est qu’elle porte des bagues en voulez-vous en voilà, des bracelets comme si on était chez le bijoutier, un collier gros et beau comme ça, outre les bijoux, Sylvie aime se promener, prendre l’air, voir des choses, c’est que lorsqu’on se ballade on a la tête un peu ailleurs que dans sa tête, c’est vrai ça, quand la tête s’occupe des alentours, voit ceci, entend cela, elle tourne moins en soi, la tête, moins et parfois plus du tout en soi, ça repose, ainsi se promenant Sylvie a appris un jour qu’elle est la reine de la forêt, c’est vrai puisque c’est écrit sur une carte-postale vue et lue en ville, mais en réalité Sylvie ne connaît pas trop trop la forêt, on le sait, son truc à elle ce sont les bijoux, n’est-ce pas Sylvie Madame Bijoux ?

Un couple

Qu’on ne s’y trompe pas, ne sont pas toujours ensemble, enfin pas toujours toujours, il leur arrive tout de même de se séparer, pas longtemps, certes, pas loin, on est d’accord, mais un petit peu tout de même tous les jours, un coup les courses, un autre une visite, c’est que l’amour c’est l’amour même si on est en retraite, surtout quand on est en retraite et alors là l’amour ça commence à prendre son grand A, c’est qu’avant c’est batifolages et et carambolages et rafistolages et les longues et lentes heures à vivre séparés because boulot ou gamins, ensuite, donc maintenant, on se rattrape, on devient les inséparables, la vie n’a alors que très peu de possibilités de nous séparer, on lui a dit ça suffit la vie et la vie se tient peinarde à ne pas mettre des distances entre nous, en ce qui concerne les livres ? ben oui, ils lisent les mêmes, mais non pas en même temps, l’un au-dessus de l’épaule de l’une ou l’une à côté de l’un, mais la même semaine, oui ça c’est certain, et puis c’est bien d’être ensemble, la moitié de l’un toujours ou presque avec la moitié de l’autre ça rassure, c’est ça, ça rassure énormément.

Quelques photopoèmes réalisés à Nantes lors du festival MidiMinuit :

Ariane

elle

et quelques cheveux

qui ne sont pas mis dans la barrette

cela fait sur sa tête un toit

où le vent est là un peu

vent océan

qui est là un peu aussi

sur la vitre des yeux qu’il balaie

et où cela met un peu

de lumière supplémentaire

au petit jour qui est là

et sous le foulard

dans sa gorge

un sentier bordé de quelques mouettes

d’où arrivent quelques histoires de large

dans toute sa voix portée par du soleil

et ce matin

pas de sable en elle

déjà pas le sablier qui coule

et compte le temps

non

en elle ce matin

encore un peu de ce sable

de plage

de page

où écrire ce qui se fera

Tatiane

elle

qui donnera sa main

comme un fruit

ou comme une page entière et blanche

à l’enfant

le sien

quand il viendra

dans les vies toutes les vies

qui sont la vie

le fruit pour la soif

la page entière et blanche

où prend appuie ce qui se rêve

ce qui s’oublie

ce qui s’invente

elle

matin

et comme que de l’air dans ses alentours

de l’air et le vœux de l’enfant

vœux qui est un arbre

peuplier plutôt que chêne

plume plutôt que masse

encre plutôt que poids

puisque les vœux sont ainsi

qu’ils se murmurent au ciel

plutôt qu’ils se gravent en roche

Olivier

il

et ses mains vont

et ses mains font

homme qui fait

et sait

que nous avons plusieurs mains

mains qui bâtissent

mains qui ouvrent

mains qui trouvent

et qui et qui…

homme

qui jamais n’a été tenté

et qui jamais n’a tenté

de mettre ses pas

dans des pas trop longs pour lui

et qui sait

que cette juste mesure

est celle qui fait le chemin

aussi long

que certain

Arzelle

elle

dans le chaud

de son manteau boutonné

jusqu’en haut

et le chaud dessous

et les cheveux dessus

ce blond long

sur du noir

elle

qui c’est certain

marche en suivant le sol et le ciel

soit le sol et son sel

soit le ciel et ses souffles

elle qui ainsi allant

découvre et sait

que sont parfois des lieux

où l’on ne s’attendait pas

des demeures où nous ignorions demeurer

et c’est ainsi qu’elle va

et c’est ainsi qu’elle vit

tandis que le blond long

des cheveux la précède

La liseuse

elle

lit la page qui est là

posée sur la table qui est là

et cela fait un murmure en elle

qui est sans doute

du pain, de l’eau, un sourire

tout cela qui porte et emporte

elle sait ce pain que sont les mots

cette eau que sont les phrases

qui portent et emportent

et ce sourire qui vient au bout

levant les yeux

elle pose les mots de la page

sur le monde qui est là

cela y ajoute une guirlande

ou un arbre tout haut

ou un sol tout entier

puis elle se lève

et va

dans ce nouveau monde qui est là

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