île
presque ce qui fait le moins de signes
ce qui va dans le aucun bruit
est le plus au bord de l’oubli
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premier regard
langue de terre
dans l’estuaire
et quoi sur la langue
quoi dans la langue
quoi dessous
quels mots
il faudra s’approcher
certainement se pencher
évidemment creuser
et tendre l’oreille
et multiplier nos yeux fidèles
les aiguiser, les affuter
que partout ils passent
que de tout ils ramènent
la difficulté est là
la première
avoir les outils adéquats
leur faire confiance
la difficulté
est-elle dans l’œil
ou dans la finesse de l’oreille ?
île
montagne de cécité
ou de surdité ?
nous faudra-t-il apprendre
quelque braille
quelque langue sourd-muet
afin de la déchiffrer
de l’entendre ?
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quand on arrive d’amont
lorsqu’on vient d’aval
une toute petite largeur
une bien mince épaisseur
tout juste
un profil de silhouette
qui ne raconte guère
son long corps allongé
là céans
d’ailleurs où sont ses pieds
où est le haut de ses idées ?
dort-elle
git-elle ?
de là où nous sommes
nul cœur ne la soulève
les vents, les courants
l’herbe en son chant
lui suffisent-ils
pour demeurer alerte
au moins continuer
à tenir le rôle de sa vie ?
il nous faudra
tendre le miroir à ses lèvres
trouver son pouls sous un buisson
pour avoir des nouvelles de son cœur
de là à avoir des nouvelles de son cœur…
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comme un trait d’encre
qui serait parvenu à jeter son ancre
afin de demeurer là
de persister ici
et seule l’encre du soir
où cela se dissout un peu
puis considérablement
puis inéluctablement
île effacée de la surface des mondes
nullement supprimée en mémoire
puis les feux du matin
et le retour du réel
le coup de feu du réel
autant par sa douceur
que par sa pugnacité
île
comme un trait d’encre
indélébile
une phrase de l’histoire du monde
que rien ne peut effacer
pas même la tremblante
pousse du roseau
dans l’eau rapide
ne cèdera la place
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et
toutes les îles sont là
pour agrandir le monde
pour offrir davantage de terre
d’où regarder le cosmos
sur l’île l’étoile brille davantage
même si elle sait calmement
que l’île lui a enlevé
un peu du miroir des eaux
toutes les îles aussi
agrandissent le champ des possibles
même si les routes butent à y aller
même si l’oiseau trop léger
renonce à s’y rendre
cependant
que l’ombre portée des montagnes
ne réussit à les atteindre
ne parvient à les éteindre
c’est que l’île
est en coton
c’est que l’île
est un cocon