soudain le monde passe par le vide-ordures du cinquième étage, je le dis comme cela se fait, le monde était là, installé partout, partout comme le monde est partout en lui de lui chez lui, et soudain le monde s’est réuni, a formé une boule, une chose sphérique et fœtale et grisâtre, et, sans crier gare, passe par le vide-ordures du cinquième étage, cela se fait sans bruit aucun, ni de révolte soulèvement, ni de geignement pleurnichement, ni de frottement raclement
zou !
cela crée instantanément un silence, mieux, un noyau de silence, un noyau de silence simple, pas un silence oppressé, pas une boule piquante, un simple silence simple
fin du monde
en un coup
un seul
lui qui a tant peiné
tant œuvré
et sué
tant tenté
pour advenir
tant tété
pour forcir
et maintenant et désormais, le monde, celui des vieux continents et des vieux temps est tout au loin, tout petit, même plus petit que tout petit, sont tout tout petits ses ordres, ses prophéties, ses songes, ses images et présages, Dieu tout entier, et dans son multiplié propagé, et dans son additionné popularisé, est porté disparu sous une feuille de tilleul égarée, cela donne l’échelle, le lieu de ma première naissance est si infime qu’un souffle l’a emporté allez savoir où, les après-midis où venaient les rouges-gorges sont tout au loin, les bitumes et les bétons qui m’ont connu n’existent plus, ne subsistent plus les trains qui ne venaient plus jusqu’à moi, les quincaillers où je ne trouvais pas l’interrupteur qu’il manquait à mon ciboulot, n’est plus là le cimetière où m’attendaient trois quatre pissenlits et leurs racines, s’en sont allés les yeux d’âne triste qui me fixaient dans le miroir
fin des hosties
et des orties
des têtes sur l’enclume
et des
c’est très très fréquent qu’on finissasse comme un légume
fin de ça
ça fait de la place, de la place et pour l’espace et pour le temps, c’est un beau tableau noir ou blanc comme on veut, un écran 18 pouces 120 hertz si on préfère, une grande grande pelouse si on aime, ou un tapis persan, ou une carte mémoire 64 Go à la douzaine, ou une plage, l’immaculée page d’une plage avec soleil cloué au zénith exactement
et maintenant et désormais, le monde mon monde comme je veux, quand je veux, dessin animé, peinture à l’huile, photos couleurs ou film 24 images seconde, ou alignement chiffres et lettres, ou une vague, mon monde, une vague comme je la veux quand je la veux, hauteur et grosseur et profondeur et force avant et renoncement arrière, comme je veux, quand je veux, ou un chêne, mon monde, un chêne et la campagne derrière le chêne, ou la chaleur derrière le chêne, ou la centrale-nucléaire derrière le chêne
et même, et même je fais comme je veux, quand je veux un embryon qui grandit et devient le nouveau monde, pour exemples : une poussière qui grossit dans un rayon de pleine lune et se transforme en carte postale espagnole avec jupe froufroutante, ou bien un souvenir atroce d’enfance et voilà une veste polaire, ou bien un jeu de mots compliqués et voilà des bretelles autoroutières, ou bien un bouton de fièvre et voici l’aurore et l’oiseleur qui lance des oiseaux qui font cui-cui en 22 langues
monde
fait
défait
refait
monde
qui se fait
de mon fait