Je crois à la PAROLE rare.
A ce qui protège des mouvements de foule du langage
Franck Venaille – Chaos –
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pas parler parole
pas
parler
parole
pas par les paroles
pas
par
les
paroles
pas
pas
non
pas
pas parle
le trou de la bouche
pas
pas par
le trou de la bouche
pas
pas
que ça ne passe pas
ne s’évacue pas
ne se déverse pas
par le trou buccal
pas
que ça ne franchisse
ne sorte pas
par l’orifice oral
pas
que ça ne se profile
que ça ne profite
du souffle qui sort
de la salive qui va
et verse dehors
immédiatement là
et
que ça ne bénéficie pas
de tout le long du
et
jusqu’au bout du
souffle décibel
des crachats crachés
pas
que ça ne sorte pas
pas
que ça ne porte pas
que ça ne bouge pas
bronche pas
de là où c’est
oui
là
que ça reste là
dans le corps chair
dans le corps air et nerfs
dans les os du corps
dans le gras du corps
le spongieux du corps
que ça demeure
en sa demeure
dans les tendons, les articulations
capitulations, ambitions
que ça ne bouge pas
des réflexes acquis ou pas
des instincts instantanés du corps
que ça ne jaillisse pas
des poubelles fermées ou pas du corps
des valises prêtes ou pas du corps
des cadeaux ficelés ou pas du corps
des cloaques claquemurés ou pas du corps
que
que ça ne roule pas en montant
que ça ne déboule pas en suintant
que ça ne s’atèle pas
à quelques bœufs pour venir
que ça ne profite pas
de quelques vœux pour arriver
que ça ne se trouve pas
quelques ailes pour advenir
que ça ne s’allie pas
au sel et au pain pour réussir
non
et
non
que ça ne bénéficie pas
d’un écoulement ou épanchement
d’un éboulement ou déversement
non
que ça ne vienne
d’une sauce expectorée
ou d’une soupe crachée du corps
que ça ne soit véhiculé en sec
par l’électrique nerveuse
jusqu’au mouillé salivaire
que ça ne saute pas
par-dessus la haie
par-dessus la rivière
que ça ne se faufile
alors que
ou tandis que
non
pas
pas via le sang
pas
dans les bulles globules
pas non plus
par le trou des yeux
en flèches ou éclairs
en balles ou poux
avec dedans
dedans et dessus suant
vocabulaires et grammaires
associés et aiguisés
et gueule de chien
pleine de dents
non
ni
par les sucs gastriques
ni
par la pulpe des doigts
hauts ou bas
ni
grâce au canal plus
des signes cryptés
dans les gestes à mains nues
ou sur les lèvres motus
ni
pas plus
à l’aide d’un doigt
qui scripte sur le bois
de la table là
ni
non plus
par les hoquets
les tremblements vocaux
les bégaiements lacrymaux
ou autres subterfuges
ni
pas plus
en premièrement
ou deuxièmement
ou finalement
pas plus
non
pas plus
en remplacement
en excusant
en complément
en vraiment oui oui vraiment
non
ni
dans l’ordre des choses
dans le normal des choses
dans le passage des choses
dans l’avènement des choses
dans le meilleur de la moelle
ou autres manigances
pas non plus
non pas non plus
via l’apparat des lumières
et du vestimentaire
ou autres exubérances
ou autres flatulences
ou lors de cérémonies
de solennités ou jubilés
pour ou pour ou pour
pas
non
pas ça
là pas ça
pas
les tuyaux qui fuient
pas
les poches qui percent
pas
les électricités connectées
pas
la peau trouée qui coule
sue suinte
non
pas
les ni
pas
les si
pas
de la boîte noire de la mémoire
ou rose du ose
ou jaune du faune
pas
ni
car
ni
donc
ni
quoique
ni
ainsi
ni
mais c’est que
ni
la
ni
le ou les
de la ou du
pas plus
peut-être
ou
puisque
non
ni
reprenons tout
encore
non
ni
récapitulons puisque
pas
parler parole
pas
par les paroles
pas
qu’au bout de parler parole
pas
que ça appuie
pas
que ça carie
pas
que ça strangule, sabre
perce, achève
pas
que le sourire soit amoché
que le respire soit empêché
que l’expire soit empêché
que l’inspire soit pas possible
que le geste soit arrêté
pas
que les forces soient atrophiées tant et pire
et les yeux avec des bords noirs
et les peaux avec des plaies
et les doigts avec les ongles dans les paumes
et la trachée tranchée
et le paysage où aller
tout fermé
tout reculé
tout en allé
tout avec du gel en flammes
et des feux en givre
et des jours en noir
et des nuits en noir
pas parler parole
pas
parler
parole
pas par les paroles
pas
par
les
paroles
pas
plus
pas
et
plus
et soudain le ciel ouvert
maintenant couvert
bouché, obstrué par les oiseaux du malheur, corbeaux ? corneilles ? vautours ? et l’air en entier plein des cris des oiseaux, l’air en entier d’abord rayé puis pris dans un vent puis dans un très grand vent, puis l’air entier tout en tourbillons brassé qu’il est par mille ailes, puis l’air entier sanguinolent griffé qu’il est par mille becs, et plus possible de tenir debout, et impossible d’échapper aux stridences, cela fouette et entraine le corps, cela soulève de la terre, des feuilles, des branches, cela heurte fort, cela griffe, gifle, cela entre loin dedans-nous
pas
plus